En quoi avoir réécrit James Joyce en français et Nathalie Sarraute en anglais peut-il être utile dans le cadre de la traduction professionnelle, notamment technique ?
Il y a d’importantes différences entre la traduction littéraire et la traduction de documents techniques. Chacune a ses propres spécificités, difficultés et habitudes ; par exemple sur les plans du vocabulaire ou des tournures de phrases. Pourtant, les outils mentaux que l’on apprend pour la traduction en classe littéraire peuvent servir dans des environnements plus techniques.
La maîtrise de la langue est évidemment essentielle dans les deux cas, même si les lexiques diffèrent. En outre, les mécanismes de la traduction eux-mêmes sont sensiblement identiques : il s’agit toujours de comprendre le texte et d’en rendre l’esprit dans une autre langue. Les « tours de passe-passe » du traducteur, comme la transposition, les équivalences, ou les fameux chassés-croisés – qui ont donné, donnent, et donneront toujours du fil à retordre à plus d’un étudiant – s’appliquent aussi bien à la traduction d’un roman qu’à celle d’un brevet d’invention. Le style de ce dernier apparaîtra sûrement moins recherché que celui d’un texte littéraire, plus formaté, mais cela ne signifie pas pour autant que sa traduction soit un simple calque, car les expressions et le jargon techniques aussi diffèrent d’une langue à l’autre.
Certes, on utilise rarement des métaphores, des chiasmes et autres hypallages lorsque l’on traduit un mode d’emploi. Mais la maîtrise de ces outils appris en formation littéraire permet de mieux comprendre et apprécier les langues en général ; ce type de cursus donne l’habitude d’accumuler du vocabulaire, et tout cela permet peut-être une approche plus ouverte de la traduction comme discipline, quels que soient le sujet ou la forme de l’ouvrage à traduire.